"Shinji..." Il sursauta et regarda autour de lui. L'obscurité l'entourait. "Shinji..." De nouveau, une voix chuchota doucement son nom. "B-bonjour?" dit-il. "Shinji..." Lentement, il sentit que l'air autour de lui changeait. Non, ce n'était pas ça... Ce n'était pas de l'air... C'était du LCL. A la fois choqué et surpris, il ouvrit la bouche pour crier, seulement pour sentir le goût rance du LCL qui pénétrait dans sa gorge. "Shinji", lui chuchota de nouveau la voix. Dans l'obscurité et la chaleur moite du LCL, quelque chose de froid enlaça son corps. Quelque chose de surnaturel, avec des membres inhumains qui frémissaient de façon spasmodique. La chose resserra son étreinte autour de Shinji et le garçon cria à nouveau. Des bulles jaillirent de sa bouche mais nul son ne sortit. Et des lèvres froides et douces se posèrent doucement sur son front. _*_ "AAAAAAAAAAAAAAH!" Il se redressa violemment, recouvert de sueur et la respiration lourde. Ses mains, tremblantes, se posèrent rapidement sur son visage pour chercher des traces de LCL. Dehors, il pouvait entendre Asuka et Misato sortir de leurs chambres. Misato frappa doucement à la porte tandis qu'Asuka semblait l'injurier en allemand. "Shinji, tu vas bien?" demanda Misato en jetant un coup d'œil à l'intérieur de sa chambre. Shinji hocha la tête faiblement. "C'est juste... juste un mauvais rêve", répondit-il. "Désolé." "Tu veux en parler?" demanda Misato. "Non, ça va. Je vais me rendormir." "Si tu le dis." Il attendit qu'elles aient refermé leurs portes, puis il se leva et ouvrit sa fenêtre. Une brise douce et rafraîchissante caressa son visage et un fil de toile d'araignée flotta prés de lui, porté par le vent. "Qu'est-ce que ..." Et plus loin dans les ombres de la nuit, une paire d'yeux rouges le dévisagea, remplis d'envie et de désir, avant de disparaître dans l'obscurité. _*_ John Biles & Rod M. Présentent _*_ Motomu Kamiya était sur le point de vivre le pire mois de sa vie. Motomu n'était pas un homme particulièrement mauvais. C'était un individu plutôt dans la moyenne. Ses collègues auraient dit de lui, si on leur avait demandé, qu'il était plutôt sympathique, très amical et toujours prêt à les aider. Il était un simple employé de bureau, mais il travaillait à la NERV et sa paie était plus que convenable. Malheureusement, Motomu avait un vice qu'aucun de ses collaborateurs ne connaissait. Il aimait jouer. Et comme c'est souvent le cas avec beaucoup de joueurs, sa chance l'abandonna au moment où il en avait le plus besoin. Après avoir contracté une dette importante auprès d'individus pas très patients et plutôt obstinés, il avait vraiment besoin d'argent liquide. Heureusement, ou en tout cas c'est ce qu'il pensait, des gens se présentèrent le même jour pour lui faire une offre qu'il ne pouvait tout simplement pas refuser. Ils lui avaient offert une somme d'argent incroyable en échanges de petits services. Il devait surtout prendre des photos, copier des fichiers, ce genre de choses. Il fut découvert. Malheureusement, Motomu avait oublié les amendes et les peines qu'on infligeait à ceux qui trahissaient la NERV. Etre renvoyé ne fut que le sommet de l'iceberg. Il fut aussi condamné à une amende qui le mettait sur la paille pour le restant de ses jours. Et il y avait la peine de prison. Étant l'homme qu'il était, Motomu décida de s'enfuir. Sans domicile, sans argent et recherché par la police, c'était pour lui le début d'un mauvais mois. _*_
_*_ Le Test de Turing avait échoué, mais Gendo s'y était attendu. Il n'avait pas peur que les Evas se mettent à parler. La vraie question était de savoir si elles agiraient de nouveau de leur propre initiative. Il n'y avait pas moyen d'en être sûr, à moins qu'ils ne forcent les Evas à réagir. La façon dont elles avaient été conçues avait toujours laissé une maigre chance qu'elles deviennent un jour intelligentes. Cependant, les précautions qu'ils avaient prises avec elles auraient dû l'empêcher. Il était possible que la frénésie alimentaire soit juste un réflexe, mais c'était plutôt mauvais signe... Il n'y avait aucun moyen de connaître quels réflexes étranges elles pouvaient posséder. Ritsuko et lui étaient debouts sur le pont d'observation et regardaient attentivement dans la grande salle où les trois Evas étaient rangées. "Il y doit avoir un moyen de l'évaluer", dit-il. "Peut-être que nous pourrions faire en sorte qu'un des pilotes fasse semblant d'attaquer une autre Eva sans pilote et voir si elle se défend", suggéra-t-elle. "Si elles ont développé une volonté propre, l'Eva sans pilote devrait réagir." "Nous pourrions la perdre... Je veux trouver une méthode qui ne risque pas de trop les endommager." "Je ne vois pas d'autre façon de les forcer à réagir. Et nous n'avons pas d'Anges sous la main pour les forcer à manger." "Vérifiez si les pilotes n'ont pas changé leurs pratiques alimentaires." Ritsuko le regarda en fronçant les sourcils. "Vous pensez que..." "La synchronisation est dangereuse. C'est pourquoi nous avons perdu tant de pilotes potentiels. Il faut devenir un avec l'Eva mais ce n'est pas sans risques, comme nous le savons tous les deux. Nous voulons que les Evas s'adaptent, pas les pilotes. Et surtout pas de cette manière." "Je vais leur faire passer une série de tests et je leur demanderai leur régime alimentaire", répondit-elle. "Rei a déjà montré certaines irrégularités, bien que ça soit probablement la puberté, comme Maya le pense." "Quelle sorte d'irrégularités?" "J'irai récupérer les diagrammes et je vous les montrerai." Elle partit, le laissant seul à observer les trois Evas. Si quelque chose tournait mal avec Rei avant que DAGON ne soit complet... Ca serait un désastre. Les plus récents cobayes de DAGON avaient réussi leurs premiers tests avec succès, mais ça avait déjà été le cas de tous les précédents sujets dans le passé. Et ils avaient presque tous péri dans un regrettable accident ou étaient devenus complètement inutiles. Le Jour du Retour approchait. Il pouvait sentir le temps s'égrener, il pouvait sentir s'approcher la fin. Chaque jour,il y avait moins de marge pour l'erreur et moins de fautes à commettre. Et encore moins place pour une quelconque déviation. Son pager sonna. Ses supérieurs l'appelaient. Ils étaient une variable majeure dans l'équation qui pouvait tous les conduire vers la ruine, mais aussi une variable qu'il ne pouvait tout simplement pas éliminer. Et beaucoup de choses dans sa vie entraient peu à peu dans cette catégorie. _*_
_*_ "Hé, regardez qui est de retour!" cria Touji. Shinji entra dans la pièce timidement en souriant et en se grattant la tête."H-hé". Les yeux de Kensuke se remplirent de larmes et il fonça lui serrer la main. "Bon sang! Je t'envie, Ikari!" "Hein?" "Tu as une carte d'accès militaire de haut niveau! Tu vis avec deux filles superbes! TU AS TOUT!!! JE ME SENS TELLEMENT JALOUX!!!" Shinji recula légèrement, Touji soupira et Kensuke continua à lui serrait la main en pleurant. Le reste de la classe observait la scène et en discutait entre eux, au grand embarras de Shinji. "Tu sais, ce n'est pas si génial que ça!" répondit rapidement Shinji, afin de calmer Kensuke. "Mais bien sûr! Vivre avec Misato doit être une torture terrrrrible", commenta Touji." Bien qu'avec Asuka... Je crois qu'il y a quelque chose chez elle que je n'aime pas." Et juste au moment où il finissait de parler... "GUTEN MORGEN!" hurla Asuka, en entrant fièrement dans la classe. Son sourire était plein de confiance et chacun de ses mouvements exprimait une certaine arrogance que seule Asuka pouvait produire. "Le sauveur du monde est dans la pièce. Vous pouvez me remercier selon votre convenance." Alors qu'Asuka marchait à grands pas vers sa chaise, la classe l'acclama. Une rangée de filles tapa dans la main qu'Asuka levait pendant qu'elle passait à côté d'elles. Arrivée au bout de la rangée, Asuka et Hikari se tapèrent dans la main en suivant un rituel compliqué qui se termina par un coup de hanche. "Aaaargh", gémit Shinji, complètement atterré par cette scène. "Third Child , comment vas-tu?" cria Asuka."N'avons-nous pas fait un superbe boulot au Canada?" "Est-ce que tu es obligée de parler si fort?" se plaignit Shinji. "Fort? Moi? BIEN SUR! Je suis LA PLUS GRANDE!" répondit Asuka."Et tu dois toi aussi parler fort, Third Child! Tu es un des rares élus, un des forts et fiers pilotes d'Evangelions!" Asuka se tourna vers la classe et hurla, "N'ai-je pas raison?!" La classe acclama Asuka et Shinji fut encore plus embarrassé. Puis la First Child rentra dans la classe et l'ambiance devint étrangement plus calme. Asuka essaya de conserver sa bonne humeur et fit face à Rei en souriant. "Bonjour, Ayanami!" Rei regarda fixement Asuka pendant un instant, cligna des yeux, et se dirigea vers sa place. Asuka se sentit remarquablement stupide. La classe passa le reste de la matinée dans le silence. _*_
_*_ Asuka regarda à travers la cour de l'école pour trouver l'endroit où Rei Ayanami était assise. Elle était sous un arbre, toute seule et son regard était aussi impassible que d'habitude. Quand Asuka avait découvert qu'elle devait travailler avec d'autres pilotes, elle avait supposé qu'ils allaient devoir travailler en équipe pour réussir. Ca voulait aussi dire à son avis que les pilotes devaient tous biens s'entendre entre eux. Le sens de la camaraderie était quelque chose d'essentiel au succès des pilotes. Et jusqu'à présent, tout n'allait pas aussi bien qu'elle l'avait espéré. Shinji manquait vraiment de caractère. Elle avait l'impression qu'il pourrait avoir peur de son ombre. Sa nature introvertie n'aidait pas non plus. Cependant, il avait un côté chevaleresque et il s'ouvrait occasionnellement pour faire savoir aux autres ce qu'il avait sur le coeur. Rei, elle, était la définition même de la vierge de glace. Elle faisait son devoir et le faisait bien, mais elle semblait penser que se mêler aux autres était une option qu'elle ne projetait pas d'exercer. Asuka s'avoua qu'elle n'avait pas exactement essayé de vraiment discuter avec Rei. Et c'était bien quelque chose qu'elle avait décidé de changer. "Bonjour, Rei!" dit-elle en s'approchant de la jeune albinos. Rei leva la tête. Pendant un bref instant, elle fronça les sourcils légèrement. Puis elle baissa à nouveau son regard vers sa nourriture et continua son repas. 'C'est tout sauf un bon début', pensa Asuka. "Donc, euh, ça te gêne si je mange avec toi aujourd'hui?" demanda Asuka en essayant de ne pas avoir l'air trop troublée. Rei hocha silencieusement la tête. Asuka se demanda ce que ce geste voulait dire. Etait-ce un 'oui, tu peux manger avec moi' ou un 'oui, ça me gêne alors pars'? Après y avoir réfléchi un moment, elle décida qu'il valait mieux le prendre comme un 'oui, tu peux manger avec moi'. Elle ne saurait jamais si elle avait eu raison. Asuka avala son sandwich lentement tout en observant Rei. La jeune fille mangeait lentement son ramen. Bien qu'elle aurait vraiment voulu briser ce silence, Asuka avait beaucoup de mal à trouver ses mots. C'était plutôt rare, particulièrement pour elle. Rei remarqua finalement qu'Asuka la dévisageait et regarda la Second Child droit dans ses yeux. Asuka trembla pendant un court instant, frappée simultanément par plusieurs sensations: le vertige, la claustrophobie, le froid, et l'impression que quelque chose n'allait pas dans l'Univers. Elle repoussa ces sensations rapidement. Asuka n'était pas du genre à se laisser aussi facilement déstabiliser. "Quoi?" demanda Rei. S'il y avait la moindre malice dans sa voix, Asuka était incapable de l'entendre. "Bon, je vais être franche", lui répondit Asuka."Nous sommes pilotes d'Eva, nous sommes une équipe. Nous allons nous battre avec des choses qui pourraient détruire le monde. Si nous voulons survivre, je pense que nous allons devoir être solidaires et établir une certaine camaraderie, ce genre de chose." Asuka fit une pause pour voir si Rei comprenait ce qu'elle venait de dire. Elle ne semblait pas prêter attention aux paroles d'Asuka et son visage et son regard impassible étaient un peu déconcertants. "Donc", continua Asuka. "Je voulais briser la glace pour que nous soyons amies." "Amies?" demanda Rei. "Oui, amies. Tu comprends?" Rei cligna des yeux. "Je vois." Et Rei retourna à son repas de ramen. Asuka cligna des yeux une fois, puis deux, soupira et avoua sa défaite. Continuer cette discussion, elle le savait, ne ferait que la mettre encore plus mal à l'aise. _*_
_*_ Hikari mangeait tranquillement sa glace à côté d'Asuka pendant que cette dernière était en train de trier les affaires qu'elle venait de sortir de ses cartons. Elles écoutaient un des CD d'Asuka : Zwei Herzen, un groupe allemand. Même si Hikari ne pouvait pas comprendre les paroles, elle aimait bien la musique. Asuka sortit un T-shirt avec une Valkyrie dessinée dessus. "Je l'ai eu quand je suis allée au Festival Wagner à Munich. Je ne peux pas croire que le Nibelunglied soit long. Et tout le monde meurt à la fin." Elle secoua la tête et passa le T-shirt à Hikari, qui y jeta un rapide coup d'œil avant de le poser sur le lit. "Donc tu es une grande fan d'opéra?" "Oui. J'aime la musique classique", lui répondit Asuka."J'ai eu des billets pour une représentation du Mariage de Figaro pour mes treize ans et j'y suis allée avec le Doktor Himmelfarb et Pieter." "Pieter, c'était ton petit ami?" Asuka rougit. "Il a trois fois mon âge! C'était mon instructeur de close-combat et c'est vraiment un type formidable." Hikari sourit légèrement. "Donc tu avais un faible pour lui mais tu n'as jamais rien fait." "JE N'AI PAS EU LE BÉGUIN POUR PIETER!!!!" cria Asuka. "Mais bien sûr. Et tu n'as pas non plus le béguin pour Kaji." "Ce n'est pas un caprice! Je l'aime vraiment!" "Mais bien sûr." Hikari continua de sourire. Elle se rappela comment elle avait senti quelque chose de semblable avec son professeur de gymnastique quelques mois plus tôt. Il avait fallu qu'elle le voie avec sa professeur de littérature pour que ça lui passe. "Et qu'est-ce qui t'en rend si sûre?" "J'eu plusieurs fois le béguin et ça n'a jamais duré aussi longtemps." Elle était amoureuse de Kaji depuis trois mois maintenant. "Non, quand j'ai eu le béguin pour Franz, c'était juste parce qu'il avait un corps d'athlète et qu'il m'a rattrapée quand je suis tombée du toit... De toute façon, Kaji est beau, amusant, charmant et il aime être avec moi." Hikari n'était pas vraiment impressionnée. "Mais il a deux fois ton âge!" "L'âge ne signifie rien face au Grand Amour! Chaque fois que je pense à lui, mon cœur bat plus rapidement, j'ai du mal à respirer et je me sens... merveilleusement bien. Comme dans les livres. C'est vraiment le Grand Amour." Hikari ne voulait pas briser les illusions d'Asuka trop... violemment. "Mais que sais-tu de ses sentiments à lui?" "Il ne passerait pas tant de temps avec moi s'il ne m'aimait pas. C'est un homme très occupé", répondit Asuka. "Et je suis aussi bien éduquée que lui, aussi intelligente que lui et je suis belle, si..." "Et ta tête est aussi grosse que la sienne", commenta Hikari en riant. "Tu ne mourras jamais d'humilité, Asuka." Asuka lui tira la langue et retourna à ses cartons. Elle en sortit une tenue de satin noir soigneusement pliée et se mit à rire. "Pourquoi est-ce que j'ai apporté CA? Ca ne me va plus depuis longtemps." "Qu'est-ce que c'est?" "J'ai été Bat-girl pour Halloween quand j'avais huit ans..." Elle déplia le costume, qui était maintenant clairement trop petit pour elle. "Doktor Himmelfarb et Gertrude l'ont fait pour moi." "Gertrude?" "Une des assistantes du Doktor Himmelfarb; elle est généticienne. Sa fille Anna allait à l'école avec moi; Anna était ma meilleure amie en Allemagne. Elle avait un frère, Oscar, un vrai loser, mais il était complètement dingue de moi." Elle rangea le costume dans un carton à côté d'elle, continua à fouiller et sortit trois romans et un manuel d'histoire. "Ca doit être un des cartons où j'avais mis tout ce dont je voulais me débarrasser." "Alors dis-moi, comment ça c'est passé avec lui?" "Qui... Oscar?" "Oui." "Je l'ignorais lui et son stupide chat. Cette saleté griffe toutes mes affaires, mais Oscar l'emmène partout avec lui sauf à l'école. Il en est complètement gaga. C'est vraiment un garçon intelligent, mais il n'a pas une once de bon sens. Rien à voir avec sa mère ou sa soeur. Le Doktor Himmelfarb pense qu'il est comme ça parce que son père est mort quand il était petit, mais je n'ai jamais compris le rapport." Asuka trouva un album photo. "Ahah! Il était là!" Elle feuilleta l'album et trouva une photo d'elle, du Doktor Himmelfarb, de Pieter, de Gertrude, d'Anna et d'Oscar. Pieter était un homme grand très musclé, revêtu d'une tenue militaire. Il avait les cheveux châtains taillés en brosse et de grands yeux verts. Gertrude était grande et mince avec des cheveux blonds coupés court, et était habillée avec une belle blouse bleue et une jupe bleu clair qui lui arrivait aux genoux. Anna ressemblait beaucoup à sa mère mis à part qu'elle avait des cheveux blonds plus longs coiffés dans le même style qu'Asuka. Elle avait des yeux gris cachés derrière ses lunettes et elle portait, comme Asuka sur cette photo, un jean bleu et un T-shirt noir avec 'Auxiliaire scientifique' inscrit en bleu sous le logo rouge de la NERV. Oscar était plutôt mignon (pour un garçon de treize ans). Il avait des cheveux blond cendre, portait un t-shirt semblable à celui des filles avec un jean et il portait un chat noir dans ses bras. Ils étaient devant un musée, mais leurs corps cachaient les lettres de la plaque à mis à part le mot 'Berlin'. "Nous voici", dit Asuka. "Il a amené son chat dans un musée?" "Il a essayé", répondit Asuka en secouant la tête. "Pieter a dû rester à l'extérieur avec lui pendant que nous visitions." "Tes amis te manquent?" demanda Hikari. "Moi, ils me manqueraient." "Oui", répondit calmement Asuka. "Anna et moi avons grandi ensemble. Et Gertrude et le Doktor Himmelfarb me manquent. Pieter aussi. Mais sûrement pas Oscar." Hikari rit de bon cœur. "Montre-moi d'autres photos." Et elles passèrent ainsi l'après-midi. _*_ Shinji était dans le salon et jouait du violoncelle quand Asuka et Hikari sortirent de la chambre de la jeune fille. "Dis à Katsuragi-san que je mange chez Hikari ce soir." "Tu as fait tes corvées?" "C'est ton tour." "Pas du tout!" Il regarda le calendrier et comprit alors que Misato avait encore modifié la répartition des taches ménagères. Le calendrier était devenu complètement illisible. "Hmmm..." Asuka sourit. "Je veux bien jouer les corvées au bras de fer." Shinji soupira. _*_
_*_ Les bureaux du centre de commandement étaient exceptionnellement vides, mis à part deux personnes. La première examinait l'énorme tas de paperasse sur son bureau. La seconde essayait de séduire l'autre. "Ca te dirais un massage?" demanda Kaji. "Et ça te dirais un coup de pied dans les fesses?" lui répondit Misato calmement. "Ah, Misato-chan, ne sois pas si dure. Juste un verre, comme au bon vieux temps..." "Tu n'as pas de travail urgent à faire?" marmonna Misato. "Bien sûr que j'ai une mission spéciale", répondit sérieusement Kaji. "Un travail très important." "Et ils te l'ont vraiment confié?" demanda Misato. "Et oui", répondit Kaji en hochant la tête. "Ma mission: sauver le chef de la division tactique de la NERV de son célibat, le plus vite possible et par tous les moyens." Il se plaça à côté d'elle pendant son discours pour lui passer le bras sur l'épaule. "Qu'est-ce que tu en dis? Allons vider plusieurs chopes." **** CLAQUE **** Misato se releva et sortit, les mains tremblant encore de colère. Kaji soupira tout en frottant sa joue maintenant écarlate. "Mon Dieu, elle a perdu son sens de l'humour. Elle avait toujours l'habitude de rire à cette réplique quand nous étions à l'université." Invisible aux yeux de Kaji ou de Misato, Makoto s'éloigna dans les couloirs, le regard un peu triste, inquiet et surtout rempli de jalousie. _*_ Shinji était en train de mâcher son crayon. Il essayait de comprendre ce que leur professeur de littérature voulait qu'il fasse avec le poème. Qu'est-ce qu'il voulait dire par 'analyser' la poésie? Analyser quoi? Shinji regarda attentivement les douze lignes. C'était un quatrain sur les fleurs. C'était plus ou moins tout ce qu'il trouvait à dire... et ça ne remplirait pas une page entière, bien sûr. Le son du violon résonna dans l'appartement et attira son attention. Asuka avait sorti son violon et jouait au lieu de faire ses devoirs. Il écouta l'air et essaya de deviner quel type de musique c'était, mais il ne trouva pas. "Qu'est ce que c'est?" "Une polka", lui dit-elle en riant, avant de se mettre à jouer une musique moins festive. "C'est pas le genre de musique que j'étais supposée apprendre, mais... allez, viens jouer quelque chose avec moi." "Tu as déjà fini tes devoirs de littérature?" "J'ai comparé le poème à une oeuvre de Goethe qui était beaucoup mieux." Elle fit une pause et se mit à sourire espièglement. "En réalité, j'ai retrouvé un vieux devoir sur un poème de Goethe et j'ai rajouté un paragraphe de comparaison." "Un poème de Goths?" Elle secoua la tête. "Goethe. L'auteur." "Ca n'a pas l'air d'un nom japonais." Elle fronça légèrement les sourcils. "Ca ne l'est pas. C'est un célèbre auteur allemand." "Tu as fait ton devoir sur un poème en allemand?" "Non, je l'ai aussi traduit." Shinji fut plus que surpris. "Waoh." Asuka haussa les épaules. "J'ai fini mes devoirs." "Tu as aussi fait les devoirs d'astronomie?" Elle sursauta. "Les quoi?" "Tu as regardé la liste de devoirs qu'ils nous ont donnés quand on était parti, non?" Une goutte de sueur apparut sur le front d'Asuka. "Ils nous ont donné des devoirs quand nous n'étions pas là?" Il secoua la tête. "L'école continue sans nous, tu sais." "Ummm... Je peux voir cette liste?" Il lui tendit trois pages écrites à la main. "Je les ai notés tous ensemble afin de ne rien oublier." Asuka s'approcha et les lui prit des mains. Si Asuka avait été plus sensible, elle se serait évanouie. Mais elle se contenta de s'asseoir. "Je ne peux pas faire tout ça d'ici demain..." Elle regarda à nouveau la liste. "Ouf. Seulement de l'Astronomie et de la ... Oh non, de la littérature. Beurk." "Tu n'aimes pas la littérature?" "Pas ces trucs stupides qu'ils nous font étudier à l'école. S'ils me forçaient à écrire sur quelque chose de convenable, j'aimerais ça. Les Maths et la Physique étaient mes principales disciplines à l'université", expliqua t-elle en fouillant dans ses livres et ses papiers. "Et je suis habituée aux délais très serrées." Elle tourna les pages de son livre de littérature et regarda la première page du devoir comme si c'était la quintessence de l'horreur. "Pouah. Encore un stupide poème. Analyser de la poésie, c'est comme disséquer des papillons." Shinji fut surpris. "C'est vrai, mais je ne pense pas que Mr. Ichiyama acceptera ça comme une réponse." "Et qu'est-ce que nous somme supposés faire avec ces foutus poèmes, de toute façon?" "J'en sais rien. Des avions en papier, peut-être." Ils échangèrent un regard et Asuka commença à rire. "Tu as déjà fait ces devoirs?" "Je comptais les faire après ceux qu'ils ont donnés aujourd'hui." "Bien. Ensemble, nous VAINCRONS!" _*_ Deux heures plus tard, Misato n'était toujours pas revenue à la maison et la poésie les avait vaincus. Ils étaient tous les deux sur le balcon et observaient les lumières de la ville. Ils avaient préféré faire une pause après la lecture d'un poème sur la 'rosée scintillante' et les 'oiseaux gazouillant'. "Je pense que je vais écrire un haïku sur un accident de voiture", dit Asuka. "Encore un poème sur la nature et je vais-" "Ils sont tous comme ça", répondit Shinji, légèrement irrité. "Nous n'écrivons pas de poème sur le métal tordu ici." "Ton père a-t-il toujours été un tel bâtard?" demanda Asuka pensive. Shinji fut surpris; il ne voyait pas le rapport. "Hein?" "Cet homme me... tape sérieusement sur les nerfs." "Je ne sais pas. Je ne l'ai pas vraiment vu depuis que j'ai cinq ou peut-être six ans. Après que la mort de ma mère, il m'a fait partir." Asuka le dévisagea, choquée. "Il a fait quoi?" "Il m'a envoyé dans une famille adoptive, ce qui était plutôt bizarre vu qu'il était toujours en vie. Les Shimoda n'étaient pas des gens méchants, mais ils ne se sont pas vraiment souciés de moi non plus. J'étais même loin d'être leur principal centre d'intérêt, la plupart du temps. Mais ils aimaient ma musique; c'est la seule chose où ils m'ont jamais donné des encouragements. Et ils avaient un tas d'animaux, ce qui était plutôt agréable. J'aime les animaux." Il sourit un peu. "Ils avaient huit chats et la plupart des nuits, ils se battaient avec la moitié des autres animaux du quartier. Shiro était mon favori; il était si intelligent. On aurait presque pensé qu'il pouvait parler, parfois." Asuka jeta un coup d'œil à Pen-Pen, qui regardait un jeu à la télévision. "Il devait être très intelligent s'il te comprenait vraiment. Je veux dire... Pen-Pen regarde la télé et peut battre Misato aux échecs." Ils rirent tous les deux. "Et comment sont tes parents?" demanda Shinji. "Morts." Sa voix était froide. Shinji détourna son regard. "Je suis désolé." "Ne sois pas une telle mauviette, Shinji. Ce n'est pas de ta faute s'ils sont morts. Ils sont morts ici, à Tokyo-3, à l'époque où c'était toujours en construction et où la NERV venait à peine de s'installer ici. Papa était un ingénieur en aéronautique; ils espéraient construire des Evas qui volent. Je crois qu'ils n'avaient pas prévu ce que Rei fait avec son Eva." Elle secoua la tête. "Et maman était une généticienne qui travaillait dans la recherche à la NERV. Ils travaillaient tous les deux à NERV-ALLEMAGNE, mais maman a été appelée pour surveiller une expérience spéciale et Papa est venu avec elle parce qu'il était en vacances. Elle était enceinte d'un garçon depuis six mois." "Tu as un frère?" "Non." Sa voix s'étrangla légèrement. "Pendant qu'ils étaient partis, ils ont fait des tests sur tout le monde à la base et ils ont découvert que j'avais le potentiel pour piloter une Eva. J'étais si excitée que je courrais à travers la base pour le dire à tout le monde." Sa voix était très douce à présent. "L'expérience a très mal tourné. Tu as déjà vu comment les tissus grandissent dans une boite de Petri?" "Heu, en quelque sorte." "Ils essayaient de cultiver des tissus d'Ange à partir des restes de celui qui a fait sauter l'Antarctique." Les yeux de Shinji s'élargirent. "Ils ont quoi?" "Quelque chose a mal tourné... Ca a produit des vapeurs qui conduisaient l'électricité. Le laboratoire tout entier a pris feu quand une étincelle s'est produite au mauvais endroit et le feu a fait exploser divers produits chimiques. Des vapeurs toxiques se sont propagées. La mère du Docteur Akagi est presque morte sur le coup et presque tous les autres se sont évanouis. Ils seraient morts si Maman et Papa n'avaient pas été plus résistants et avaient été plus près quand les mauvaises vapeurs ont envahi la salle. Ils ont réussi à sortir du laboratoire les survivants. Mais ils ont aussi aspiré trop de poison. Maman est morte en une heure. Papa a survécu suffisamment longtemps pour que je vienne au Japon lui dire adieu." Elle tremblait légèrement maintenant. "Au moins, tu as eu le temps de lui dire au revoir", lui dit doucement Shinji. Il n'avait pas eu la chance de dire au revoir à sa mère. "Il m'a dit d'être courageuse, qu'il était fier que je sois pilote d'Eva et qu'il voulait que je fasse de mon mieux pour sauver l'humanité." Les doigts de la jeune fille serrait très fort la barre de la balustrade et elle semblait extrêmement sérieuse. "Puis il est mort. Il avait l'air affreux; sa peau était devenu verte et noire par endroits et ses paupières étaient gonflées et..." Elle expira violemment. "Mais il n'avait pas peur du tout. Je lui ai promis que je ferais de mon mieux. J'ai été renvoyée en Allemagne et le Docteur Himmelfarb, le patron de ma maman, m'a adoptée. Elle est à la tête de la recherche de NERV-ALLEMAGNE, maintenant. J'ai été formée au combat par le lieutenant Pieter Haarbeck et ils m'ont donné la meilleure éducation possible. J'ai obtenu mon diplôme une semaine avant qu'ils ne m'appellent ici. J'ai vécu avec le docteur Himmelfarb presque toute ma vie. Elle a été vraiment très gentille avec moi." "Je ne sais même pas comment ma mère est morte; il y a eu un accident ici", se confia Shinji. "Ca pourrait très bien être le même accident que celui où tes parents sont morts; je n'en sais rien. Je ne me souviens de rien avant que mon père ne se sépare de moi. A part quelques souvenirs flous du visage de ma mère, de courses dans la neige et d'un livre. Il était relié dans une espèce de cuir rouge et il y avait des lettres étranges sur la couverture. Je voulais regarder les images, mais il n'y en avait pas et mon père m'a trouvé et m'a donné une fessée. C'est la seule fois où il m'ait jamais frappé, je crois. Mais on aurait dit que..." Shinji tenta de se souvenir."Qu'il était fier et furieux en même temps." "Je ne peux pas croire qu'il ne t'ait pas vu pendant près de dix ans! C'est complètement..." Asuka s'emporta. "Est-ce qu'il te déteste?" "Je crois qu'il n'a juste pas assez de temps pour s'occuper de moi", répondit Shinji tranquillement. "Ca serait plus facile s'il me détestait; je pourrais le haïr en retour, mais..." "Peut-être que le prochain Ange le mangera", lui dit Asuka. "Je ne veux pas qu'il meure", répondit Shinji tout en frappant en rythme la balustrade avec ses doigts. "Hé, regarde, c'est Misato." Elle le dévisagea, interloquée. "Comment peux-tu savoir ça?" "Je peux entendre les autres automobilistes qui la klaxonnent." _*_
_*_ "Allez, espèce de lambin! Allons-y!" cria Asuka. Sa victime quotidienne, Shinji Ikari, remplit à la hâte son sac et suivit ensuite Asuka jusqu'à la porte. "Pourquoi aller si vite?" lui demanda-t-il. "Aucune raison particulière", lui répondit Asuka. "Je déteste juste perdre mon temps." "C'est tout?" "Ouais." Shinji roula les yeux et ralentit. "Et moi qui pensais que c'était quelque chose d'important", marmonna-t-il. "Hé, qu'est-ce qui te prend?" demanda Asuka. "Cours d'éducation physique", lui répondit Shinji. "Quoi? Mais on va juste courir quelques kilomètres", expliqua Asuka négligemment. "Oui, quelques kilomètres", murmura Shinji. Pourquoi avait-il accepté le challenge d'Asuka, il ne le saurait jamais. Il avait aussi juré de ne jamais refaire la même erreur. "Je n'ai pas été formé depuis la naissance pour être pilote, moi!" se plaignit-il. "Laisse moi respirer un peu, tu veux?" Asuka se contenta de rouler les yeux puis ralentit pour prendre l'allure de Shinji. "Oh, eh bien, je suppose que je vais devoir te faire travailler." "Qu- Quoi?" "Tu es un pilote d'Eva! L'élite de l'élite... ou en tout cas en théorie. Tu ne peux pas te permettre d'être en si mauvaise condition physique. Nous sauvons le monde!" "Bon... d'accord. Mais ne dis plus de truc aussi bizarre." "Comme quoi?" "Laisse tomber." Ils arrivèrent tous les deux dans l'école encore vide et le bruit de leurs pas résonnait dans les couloirs vides. Shinji avançait lentement, alors qu'Asuka alternait une marche plus rapide et des périodes d'arrêt pour rendre la promenade intéressante. Ils passèrent devant la porte d'une salle et le son d'un violon résonna dans l'air, une mélodie triste suffisamment forte pour pousser Asuka à s'arrêter. À côté d'elle, la porte de l'auditorium était ouverte et conduisait vers une salle complètement plongée dans l'obscurité. Au moment où Shinji passa à côté d'elle , elle l'attrapa, le forçant à s'arrêter lui aussi. "Je me demande qui joue?" chuchota-t-elle. "Hein!?" "Ca ressemble à la 'Jeune Fille et la Mort'", murmura Asuka. "Quoi?" "Allez, entrons", ordonna Asuka. "Quoi? Pourquoi?" "Pourquoi? Parce que quelqu'un joue très bien. Et que je suis curieuse." Tous deux avancèrent maladroitement dans l'obscurité, Asuka traînant Shinji par le bras. Elle se demandait où pouvait bien être ce maudit interrupteur. Les petites lampes dans le sol des allées éclairaient suffisamment pour se repérer mais pas pour voir le joueur de violon. Sur la scène, une silhouette continuait à jouer: la passion et la tristesse transpiraient à chaque note. Shinji dut l'admettre, c'était très bon. "Heu, salut?" dit Asuka. La musique s'arrêta brusquement. Une paire d'yeux rouges et brillants apparut brusquement dans l'obscurité et les dévisagea. Asuka se figea sur place, de vieux souvenirs d'enfance ressurgissant dans son esprit, des cauchemars associés à une créature aux yeux rouges, une bête à la forme toujours changeante qui la traquait dans ses rêves jusqu'à ce qu'elle apprenne à la repousser. Ou peut-être avait-elle simplement disparu pour réapparaître maintenant dans la réalité. Shinji lui rentra dedans et la fit sortir de sa transe. "Asuka?" L'instinct reprit le dessus; mieux valait ne pas prendre de risque. "Shinji, sors d'ici. C'est..." Elle se mit en position de combat et sentant qu'il était toujours là, lui dit, "Pars tout de suite!" "Mais... c'est juste Rei", répondit Shinji. "Bonjour, Rei." Il lui fit signe de la main. Elle se leva et s'avança, passant de l'ombre à la lumière et regarda directement Shinji. "Bonjour." Asuka rougit faiblement, embarrassée. "Oh. Bien sûr. J'ai juste..." "Quoi, tu pensais que c'était un Ange ou quelque chose de ce genre?" "Laisse tomber." Asuka soupira. "Tu es très douée, Rei", lui dit Shinji. "Merci", répondit Rei en se rasseyant. Asuka s'avança vers la scène. "Ca te dirais de former un trio à corde avec moi et Shinji. On pourrait répéter de temps en temps?" Rei les regarda pendant un instant, puis demanda "Quand?" Asuka jeta un coup d'œil sur Shinji qui répondit. "Umm... Demain soir?" "Ca me convient", fit Asuka en montant sur la scène d'un saut habile. "A quelle heure, demain?" "Heu... Sept heures?" répondit Shinji en montant sur la scène par l'escalier latéral. Rei hocha la tête, se concentra et recommença à jouer. "Tu connais des morceaux que nous pourrions jouer?" demanda Asuka en s'approchant de Rei. "Je crois avoir plusieurs morceaux que nous pourrions essayer", dit Shinji en traversant la scène. "Le Mouvement des Étoiles, par Erich Zann", suggéra Rei. "Qui?" demanda Shinji. "Je n'ai jamais entendu parler de lui, mais pas de problème", lui dit Asuka en souriant légèrement. "Apporte-nous les partitions." Rei continua à jouer et ils l'écoutèrent. Sa maîtrise de la musique était absolue et Asuka se sentit un peu envieuse, alors que Shinji était tout simplement abasourdi. Alors que le visage et les mouvements de Rei étaient efficaces, minimaux et ne trahissaient aucune émotion, la musique, elle, était complètement à l'opposé. Le morceau développait un répertoire d'émotions beaucoup vaste que celui qu'ils connaissaient chez Rei et aucun d'eux ne savait si c'était simplement le morceau ou si c'était elle qui exprimait les sentiments qu'elle refoulait d'habitude. Ou peut-être était-ce un peu des deux... Rei finit son morceau, se leva et rangea ses partitions. Elle fit signe de la tête à Asuka et Shinji puis s'éloigna tranquillement. Asuka et Shinji restèrent sur place et la regardèrent sortir de la salle. Asuka finit par prendre la parole. "Je ne comprends vraiment pas cette fille." Elle jeta un coup d'œil sur Shinji. "Malgré tout ce que les journaux peuvent penser, je ne la comprends pas non plus." "Malgré tout ce que les journaux peuvent penser?" Asuka semblait soudainement très curieuse. "Elle... euh... Un journal pensait que nous sortions ensemble et..." Les lèvres d'Asuka se changèrent en sourire. "Ahhhh?" "Mais ce n'est pas comme ça entre nous!" "Mais bien sûr!" Asuka sauta en bas de la scène. "Allez viens. Il faut qu'on y aille." "Mais je te jure que ce n'est pas comme ça entre nous!" Shinji la suivit. "Ralentis, tu veux?" "Pas question." _*_
_*_ C'était un jour férié et Shinji, Asuka, Rei et leurs amis s'étaient réunis pour passer la journée ensemble. Pendant un jour, ils seraient comme des enfants ordinaires. Cependant, ce fut aussi le jour qui établit définitivement que Touji et Asuka étaient ennemis mortels. "Fleurs de cerisier du printemps?!?!" hurla Touji. "Je ne veux voir aucun film qui s'appelle 'Fleurs de cerisier du printemps'!!!" "Et qu'est-ce qui ne te plait pas dans 'Fleurs de cerisier du printemps'?!" protesta Asuka. "C'est...c'est un film pour gamines!" répondit Touji. "Et en plus, le nouveau film de Tiger Wang vient de sortir! Comment ne pas préférer le film de Tiger Wang à cette horreur?" "OUI!" ajouta Kensuke. "C'est l'avant-première de 'Poing du Tigre et Morsure du Serpent'! Nous ne pouvons pas le manquer ça! Pas vrai, Shinji?" "Et bien..." "Et bien Hikari et moi voulons voir 'Fleurs de cerisier du printemps' depuis plus d'une semaine, nous avions prévu de voir 'Fleurs de cerisier du printemps' aujourd'hui et nous allons VOIR 'FLEURS DE CERISIER DU PRINTEMPS' , CRETIN!!" "DANS TES REVES, SALETE DE MANGEUSE DE CHOUCROUTES!" *** VLAM *** _*_ "Vous voyez? C'était un bon film", commenta Asuka. "Pas vrai, Hikari?" Elle s'était assise sur un banc dans le parc, encore sous l'influence du film romantique. "Euh... oui", répondit Hikari qui appliquait de la glace sur la mâchoire de Touji. "Tiens-la bien sur ta joue, Touji." "J'me v'eng'r p'ou s'a", marmonna Touji. "Hé, au moins toi tu as eu la chance d'être inconscient pendant tout le film", fit remarquer Kensuke. "Shinji et moi, on a dû tout regarder. C'était horrible, pas vrai Shinji?" "Et bien, en quelque sor-" "Ca ne l'était pas!" protesta Asuka. "C'était profond, romantique et captivant. Pas vrai, Shinji?" "Euh, et bien, je suppose que..." "Shi'ji k'sk t' co'nné o rem'antik, inn'?" articula Touji à travers le sachet de glace. "Je suppose que je ne-" répliqua Shinji. "Hé!" hurla Asuka. "Tu l'as aimé ou pas ce film? Arrête de noyer le poisson!" "Euh... hum..." Shinji commençait à suer alors que les deux camps de cette mini-guerre des sexes le regardaient fixement. "Heu... Et toi tu l'as aimé, Rei?" Rei regarda Shinji curieusement. "Aimé?" demanda-t-elle. _*_ Tout en massant sa mâchoire endolorie, Touji s'assit entre les deux autres garçons, et se mit à taper impatiemment du pied. Ils étaient dans un endroit où beaucoup de désirs contradictoires s'affrontaient: devant la salle d'habillage des femmes dans un magasin de vêtements. D'un côté, la simple idée que des jeunes filles étaient dans leur plus simple appareil à l'intérieur des cabines leur donnait franchement l'envie de rester. D'un autre côté, ils devaient rester assis et attendre que les filles aient fini de se changer. Et ils devaient attendre dans la section FEMME du magasin, ce qu'aucun homme ne pouvait faire bien longtemps sans devenir fou. Touji leva un poing. "Aaargh! Combien de temps il leur faut pour mettre une saleté de robe?!" "La ferme, arschloch!" hurla Asuka de sa cabine d'habillage. "Quoi?! Comment elle vient de m'appeler?!" "Touji", lui dit Kensuke, "vous êtes faits pour vous haïr, tu sais?" "Ne commence pas", marmonna Touji. Juste au moment où la patience de Touji était sur le point de prendre fin, les trois jeunes filles sortirent de leurs cabines. "Ta-daah!" dit Asuka, en sortant la première. Elle tournoya dans sa robe rose puis parada fièrement devant les garçons. "Pas mal, hein?" Touji la regarda encore une fois, marmonna quelque chose, puis détourna la tête et croisa les bras. Kensuke hocha la tête d'un air approbateur. "Pas mal", murmura-t-il. Shinji semblait ravi et regardait Asuka avec un air ahuri. Elle est vraiment belle, pensait-il, quand elle ne se moque pas de moi. Asuka le regarda droit dans les yeux avec un sourire amusé. "Hé, retire ce regard libidineux de ton visage." Vexé, Shinji balbutia quelques mots pour démentir ces accusations. "H-hé! Ce-Ce n'est pas vrai!" "Mais ouiiiii, c'est ça!" répondit Asuka. "Hé Hikari, tu peux sortir!" Hikari sortit à son tour de sa cabine lentement, apparemment intimidée dans une robe brun clair sans bretelles. Cette fois Touji ne détourna pas son regard. Kensuke donna un coup de coude à Shinji et se pencha vers lui. "Tu sais, lui chuchota-t-il, il en pince vraiment pour la délégué." Hikari rougit et tourna la tête pour cacher le sourire idiot qui était apparu sur son visage, tandis que Touji passa un bras autour du cou de Kensuke. "Tu vas te taire!" "Bon! D'accord! Mais lâche moi!" "Rei, tu peux sortir!" appela Asuka. Sortant de derrière les rideaux de sa cabine, Rei apparut à contrecœur, apparemment encore plus mal à l'aise qu'Hikari. Et c'était quelque chose qu'aucune des personnes présentes n'avait vu auparavant sur le visage de Rei. Le deuxième détail parfaitement unique de cette situation était qu'ils ne sentaient pas l'espèce d'aura qui entourait d'habitude Rei. La sensation de malaise n'était pas entièrement partie, mais c'était à peine si on la percevait. Et Shinji la regardait fixement, béat d'admiration. Elle était habillée dans une robe de soie bleu clair. "Tu es très belle", lui dit-il. "Je....suis belle?" demanda Rei. Shinji hocha la tête. Rei rougit. Cette scène n'était pas du tout celle à laquelle Touji ou Kensuke s'attendaient. Rei, normale? Rei, mignonne? Et en train de rougir? C'était beaucoup plus agréable que les autres fois où ils étaient près d'elle, mais tous les deux sentaient que quelque chose sonnait faux. C'était comme si une des règles majeures de l'Univers avait été violée. Et ensuite Rei sourit. C'était un petit sourire. Très petit. Mais il fut mémorable. _*_ L'étape suivante dans leur journée avait été très fortement exigée par Touji. C'était, comme il l'avait expliqué, une question d'équilibre. Les filles avaient vu un film de filles, maintenant c'était au tour des garçons de faire quelque chose de viril. Donc ils allèrent donc dans une salle d'arcade. Touji attendait ça avec impatience, car il était sûr qu'il pourrait s'y défouler, faire quelque chose qu'il aimait sans qu'Asuka ne puisse lui mettre des bâtons dans les roues. Il se trompait lourdement. _*_ "HAHAHA! Tu veux encore essayer?" demanda Asuka avec arrogance. Elle était debout à côté de Touji. Ils étaient tous deux en train de jouer à World Warriors, le nouveau jeu de baston à la mode. Touji s'était dit que c'était une trop belle occasion de s'amuser et surtout d'humilier Asuka. Enfin, c'est ce qu'il avait cru. Après tout, les filles ne jouaient pas aux jeux de baston, non? "Touji, elle vient juste de te battre avec le personnage le plus faible du jeu", commenta Kensuke. "Tais-toi." "Et elle a utilisé uniquement et sans arrêt le même coup", ajouta Kensuke. "Je sais. Tais-toi." Asuka se mit à rire d'une façon très hautaine. "Oh - hohoho! Ne sois pas si triste! C'est naturel que je sois si forte. Après tout, je SUIS une pilote d'Eva." "Tais-toi, tais-toi, tais-toi!" marmonna Touji. "Je vais m'acheter une boisson." "Oh, tu en as déjà assez?" ironisa Asuka. "Personne d'autre ne veut m'affronter? Hein?" Kensuke se leva, le poing levé. "Moi, Kensuke Aida , je vengerai mon ami!" déclara-t-il. "Alors viens, espèce de dégénéré!" Kensuke plaça avec assurance le casque de réalité virtuelle sur sa tête et passa ses mains dans les gants. Une minute plus tard, il retira violemment le casque après qu'Asuka l'ait achevé avec une simple claque du revers de la main. "Suivaaaaannnt!" hurla Asuka. "Hé, Shinji! Viens par ici!" "M-moi?" "Ouais, toi! Tu es un pilote d'Eva, donc tu seras _sûrement_ un adversaire convenable. Allez! Je te paye même la partie!" Trente secondes plus tard... "Tu te moques de moi", marmonna Asuka. Shinji retira timidement son casque. "Je n'ai jamais été bon à ce genre de jeux." "Je veux dire, allez!?" ajouta Asuka. "Tu es un pilote d'Eva. Tu te bats pour survivre. Je ne peux pas y croire." "Et bien-" "Recommençons", ordonna Asuka. "Tu ne peux pas être si mauvais." "Mais-" Dix secondes plus tard. "Aaargh! Tu es vraiment nul!" hurla Asuka. "Je te l'avais dit!" se plaignit Shinji. "Nous sommes de retour", fit Kensuke alors que Touji et lui revinrent avec des boissons. "On n'a rien manqué?" "Asuka a battu Shinji", expliqua Hikari. Les garçons soupirèrent. "Tu es un pilote pourtant, non?!" demanda Touji. "Mais puisque je vous dis que je n'ai jamais été bon à ce genre de jeux!" répondit Shinji. "C'est indiscutablement un triste jour pour les hommes", commenta Kensuke. "Hé, Rei, tu veux essayer?" demanda Asuka. "Tu ne peux pas être aussi pathétique que Shinji, de toute façon." La fille au teint d'albinos s'avança. Dix secondes plus tard... "Impossible..." murmura Asuka. Derrière eux, Touji et Kensuke dansaient de joie, tandis qu'Hikari et Shinji regardaient l'écran, complètement abasourdis. Rei retira son casque et lança un regard perplexe vers Shinji. "HA! HA!" hurla Touji en pointant du doigt Asuka. "HA! HA!" "Oh, la ferme!" cria Asuka. "HA! HA!" La rouquine remit violemment son caque. "Bien, ENCORE UNE FOIS, Rei!" Dix secondes plus tard... "HA! HA!" "LA FERME, TOUJI!" _*_ Après que Touji et Asuka aient été tous deux humiliés, ils quittèrent la salle d'arcade et se baladèrent à travers les rues de Tokyo-3. "Et qu'est-ce qu'on fait maintenant?" demanda Hikari. "Pourquoi pas du patin à glace?" suggéra Asuka. "Bonne idée!" répondit Hikari. "N'est-ce pas, Touji?" Il était sur le point de protester, mais Hikari passa son bras dans le sien. Et il perdit toute volonté. "Du patin à glace! Haha! Oui! Bonne idée!" Kensuke haussa les épaules. "Oh bien, pourquoi pas? Tu as déjà patiné auparavant, Shinji?" "Non, pas vraiment", marmonna Shinji. "Je ne serai probablement pas très doué, de toute façon. Tu sais patiner, Ayanami?" Rei parut surprise. "Patiner?" "C'est très facile, Shinji", dit Asuka. "Je te montrerai... montrerai..." Son visage se figea soudainement dans un mélange d'incrédulité et de consternation. Elle regardait fixement quelque chose derrière Shinji. "Kaji?" "Kaji?" Shinji se retourna comme tous les autres membres de son groupre et découvrit ce qu'Asuka regardait fixement. De l'autre côté de la rue, Kaji embrassait Misato passionnément. Et au même moment, s'il avait été plus près d'elle, il aurait pu entendre le coeur d'Asuka qui se brisait. Hikari se retourna rapidement vers Asuka, mais elle était déjà partie en courant. "Oh Asuka", murmura-t-elle. "Les garçons, il va falloir la retrouver." "Qui? Nous? C'est une blague!" fit Touji. *SLAP* "Hé! Ca fait mal!" _*_ Comme si le destin l'avait voulu, Shinji fut celui qui retrouva Asuka. Elle était assise près d'une fontaine et regardait fixement le fond avec de grands yeux vides. "Asuka?" Elle l'ignora et jeta une pièce de monnaie dans l'eau. "Heu, tout le monde s'inquiète pour toi, Asuka", lui dit Shinji. "Tu...tu vas bien?" Une autre pièce... *splash*. "Je, euh, et bien, euh..." Shinji n'avait pas du tout l'habitude de consoler les gens. C'était toujours lui que l'on tentait de réconforter et c'était bien la première fois qu'il était dans cette situation. Asuka se tourna vers lui, le visage extrêmement pâle. Ses yeux n'étaient pas rouges, contrairement à ceux que Shinji s'attendait, mais elle était au bord des larmes. "Tu sais", lui dit-elle, "je n'avais jamais vraiment pensé qu'il pouvait aimer quelqu'un d'autre." "Et bien... um..." Shinji se gratta la tête. Elle sourit légèrement, puis détourna son regard. "Ne te fatigue pas avec ça, je ne m'attends pas à ce que tu comprennes de toute façon." Il s'assit à côté d'elle et posa prudemment une main sur son épaule. "Tu... tu trouveras quelqu'un d'autre." Et après ces quelques mots bien choisis, Asuka se laissa finalement aller et les larmes coulèrent sur ses yeux. "JE NE VEUX PERSONNE D'AUTRE! JE VEUX KAJI!" "Je... Je suis désolé." Il posa doucement une main sur son épaule. Ce qui se passa ensuite le prit entièrement au dépourvu. Elle se tourna soudainement vers lui et se mit à pleurer sur son épaule. Puis elle s'accrocha à lui avant de continuer à sangloter. Il ne sut pas combien de temps elle pleura et il ne se posa pas la question. Elle avait besoin de quelqu'un et tout ce qu'il pouvait faire, c'était être là pour elle. Dans l'obscurité d'une allée voisine, une paire d'yeux rouges les observait avec intensité, les pupilles remplies de fureur. Des oiseaux s'envolèrent et toutes les autres petites créatures prirent rapidement la fuite quand une petite mais intense vague de terreur balaya le secteur. Quelques instants plus tard, les yeux rouges disparurent dans l'ombre. _*_ C'était la fin d'un très mauvais mois pour Motomu Kamiya. Il était toujours un fugitif, sans foyer et sans argent, mais il avait une dernière chance de s'en sortir. Les inconnus qui lui avaient offert de l'argent la première fois lui avaient donné une dernière chance. Une sortie gratuite du Japon, un demi-million aux Etats-Unis et une nouvelle identité. Tout ce qu'il devait faire, c'était d'obtenir des échantillons de sang, de cheveux et d'urine de tous les pilotes ainsi qu'une copie de tous les fichiers qu'il pourrait récupérer des ordinateurs centraux de la NERV. Bien sûr, il était méfiant. Pourquoi lui? Cependant, plus il y pensait, plus cela avait un sens. Il ne savait pas qui ils étaient, n'avait aucuns liens avec eux et était familier avec les opérations de la NERV. Pour l'ordinateur central, ça serait difficile, mais il avait toujours ses vieilles cartes d'accès et connaissait plusieurs tunnels de maintenance où il pourrait pirater les lignes avec son ordinateur portable. Risqué, mais faisable. Mais pour les cheveux, l'urine et les échantillons de sang... Il n'était pas sûr. Allait-il se faire passer pour un plombier ou quelque chose dans ce genre? Après maintes réflexions, passer d'abord à l'appartement d'Ayanami pour récupérer des échantillons semblait être facile. Elle vivait seule et son appartement n'était pas le plus surveillé. Il n'avait jamais rencontré la fille personnellement, mais d'après ce qu'il avait entendu, elle ne poserait pas beaucoup de problèmes. C'était juste une petite fille calme, un peu effrayante, et elle s'était souvent blessée en pilotant l'Unité 00 au début du programme. C'est pour toutes ces raisons que Motomu Kamiya se trouvait dans la salle de bain de Rei Ayanami après le coucher du soleil. Ce qu'il y faisait, il aurait lui même admis qu'il n'en était pas sûr. Peut-être qu'elle avait oublié de tirer la chasse? Il alluma la lumière. Pas de chance. "Merde." Mais au moins il y avait des cheveux dans le lavabo. Il rabattit le couvercle et s'assit sur les toilettes dans une posture qui imitait parfaitement "le Penseur" de Rodin. Il était employé de bureau, pas spécialiste des ordures. Et soudain, une étrange sensation le frappa. Cela commença par un picotement à l'arrière de son crâne et ça se transforma lentement en véritable panique. Quelque chose n'allait pas. Il essaya de se déplacer, mais il n'y arrivait plus, complètement paralysé par une vague écrasante d'angoisse. L'éclairage vacilla, puis mourut. Il se retint de crier avec difficulté et ses tremblements de terreur prirent des proportions quasi-épileptiques. Dans l'obscurité, il vit les portes de la salle de bain s'ouvrir. Deux yeux rouges brillaient avec une intensité incroyable et le regardaient. À ce moment précis, il commit une erreur épouvantable. Il bougea le bras pour prendre son arme à feu. Avant même qu'il ne puisse la toucher, sa main fut tranchée net. Et ce n'était que le commencement. _*_ La 4ème district de Tokyo-3 était une zone partiellement en construction. Quand on passait dans ses rues, le bruit oppressant des marteaux-piqueurs et des autres équipements lourds vous assourdissait. Mais ce jour-là, si quelqu'un avait écouté très attentivement durant les rares pauses au milieu du martelage presque incessant des marteaux-piqueurs, il aurait pu entendre les hurlements d'agonie de Motomu Kamiya. _*_
_*_ Gendo reposa la lettre et fronça les sourcils. "Qu'est-ce que vous en pensez, Fuyutsuki?" Ils étaient dans son bureau. Fuyutsuki se mit à rire. "Je pense que vous avez vraiment besoin de faire quelque chose pour vos lunettes." Gendo stoppa net le mouvement de sa main, qui était déjà à mi-chemin de son nez, et la reposa sur le bureau dans un mouvement qu'il espérait être naturel. "D'habitude, je ne m'inquiète pas quand une gamine de quatorze ans veut me voir mort, mais puisqu'elle pilote une Eva, c'est une toute autre histoire." "Elle ne fera rien. C'est juste un moyen de se débarrasser de son stress. Elle menaçait de tuer Shinji s'il continuait à la réveiller au milieu de la nuit dans la lettre précédente, mais pensez-vous vraiment qu'elle le ferait?" Fuyutsuki trouvait cette conversation follement amusante. Gendo censurerait bientôt le courrier amoureux de tous ses employés à ce rythme. "Elle a clairement adopté Himmelfarb comme mère de substitution. Et c'est exactement ce que vous vouliez quand vous avez pris les dispositions pour qu'elle devienne la mère adoptive d'Asuka après la mort de ses parents." "Ils seraient toujours vivants si j'avais eu mon mot à dire", répondit Gendo, les sourcils toujours froncés. "Si nous avions découvert l'aptitude d'Asuka quelques mois plus tôt... Nous avons besoin de pilotes aussi équilibrés que possible si nous ne voulons pas qu'ils craquent avant le dénouement." "Et Himmelfarb lui a donné cette équilibre mental. C'est une jeune fille de quatorze ans. A quoi vous attendiez-vous?" La main droite de Gendo bougea légèrement. Il réprima ce mouvement. Il ne remonterait pas ses lunettes même s'il devait en mourir. Millimètre par millimètre, elles glissaient le long de son nez. "Elle n'a nullement le sens de la discipline d'Himmelfarb. Elle est grossière, irrespectueuse, violente et..." "Si elle n'avait aucune discipline, aurait-elle un diplôme universitaire? Serait-elle toujours vivante? Auriez-vous pu piloter une Eva dans un combat à mort à l'âge de quatorze ans?" Fuyutsuki se pencha en avant. "C'est toujours une enfant, avec toutes les forces et les défauts de la jeunesse. Mais elle est toujours assez jeune pour changer, pour être forgée en l'arme dont nous avons besoin. Au moins avec elle, nous ne devrons pas faire autant de travail qu'avec Shinji. Vous n'auriez pas pu choisir une façon plus mauvaise de le préparer à être pilote d'Eva." Gendo fronça à nouveau les sourcils. "Je n'ai pas le temps de m'occuper d'un enfant. Et vous le savez." "Oui, mais il y avait de meilleures alternatives. Vu la situation actuelle, vous auriez aussi bien pu le jeter dans une décharge. Et imaginez à quel point il aurait pu nous être utile si VOUS l'aviez élevé." Silence. "Il n'est jamais trop tard pour commencer." Silence. "Ou peut-être avez-vous plus peur de votre propre fils que des grandes puissances de l'univers?" Il y avait un ton inhabituel dans la voix de Fuyutsuki. "Le vrai maître ne peut maîtriser le monde extérieur que s'il est maître de lui-même." "Je n'ai pas peur." "Menteur." Ils échangèrent un long et intense regard en silence. Gendo baissa la tête et regarda à nouveau les lettres. "Devons-nous laisser Asuka lui apprendre à atteindre les contrées des rêves?" "Et maintenant, qui fuit?" dit brusquement Fuyutsuki, en s'enfonçant dans sa chaise. "Mais je dis oui. Autrement, il craquera probablement avant la prochaine crise. Si le compte était précis la dernière fois, les cauchemars ont commencé avec un mois d'avance. Nous savons qu'il a déjà des cauchemars. Maintenant, revenons à ce que je disais auparavant. Vous avez besoin de construire un lien entre vous et Shinji. À moins que vous ne vouliez qu'il soit plus loyal envers Misato et les autres pilotes qu'envers vous." Fuyutsuki fronça légèrement les sourcils. Il ne voulait pas formuler son opinion de façon aussi directe, mais parfois on attrape plus de mouches avec du miel qu'avec du vinaigre. Les yeux de Gendo s'enflammèrent légèrement. "Cette femme est..." "Les avez-vous jamais VRAIMENT regardés?" Gendo fut pris au dépourvu. "Quoi?" "Je penserais qu'ils sont frère et sœur si je ne les connaissais pas mieux. Si Shinji doit choisir, il préférera Misato à vous à coup sûr. Maintenant, étant donné que vous êtes son patron, ce n'est pas un problème, mais si jamais elle se révoltait ..." "Je peux gérer cette situation." "Et si elle apprend la vérité? Ou pire, seulement une fraction de la vérité? S'il y a un conflit entre elle et vous, quel côté pensez-vous que Shinji préférera?" "Je pense qu'il se contentera de ne rien faire, incapable d'agir." Fuyutsuki fronça encore les sourcils. "Vous voulez qu'il soit incapable d'agir quand viendra l'acte final? Quand nous aurons atteint le moment où nos plans pourront se réaliser? S'il ne fait rien, il nous détruira aussi bien que s'il agit de façon incorrecte." "Je n'ai pas le temps de jouer le père dévoué. J'ai à peine le temps pour remplir mes fonctions, sans avoir à... l'amener jouer au football ou quelque chose de ce genre." "D'accord. Je vais préparer mes obsèques dès maintenant, dans ce cas." Gendo ouvrit grand les yeux et faillit presque faire tomber ses lunettes, mais les remit finalement en place. "Vous pensez vraiment que c'est si important?" "Les pilotes ne doivent pas juste faire ce que l'on leur dit, ils doivent avoir confiance en nous, au moins un minimum. Sinon notre plan échouera. À moins que vous ne projetiez d'essayer de sauter dans une Eva quand le Jour du Retour sera une réalité?" "Ils ne pourraient pas supporter la vérité! Je peux voir comment elle détruit lentement le docteur Akagi. Exactement comme elle l'a fait avec sa mère. Je peux le voir..." "Je n'ai pas dit de tout leur dire. Mais s'ils se méfient et nous détestent, s'ils deviennent trop soupçonneux... Imaginez ce qui pourrait arriver si Katsuragi avait une copie de la Prophétie?" "Il n'y a pas de copies en japonais. Et elle ne pourrait pas la lire dans une autre langue. C'est une des nombreuses raisons pour laquelle nous l'avons choisie, elle." Fuyutsuki commençait à se demander si quelqu'un n'avait pas volé une partie du cerveau de Gendo aujourd'hui. "Son père en avait une." "C'est pourquoi il est mort." "Il y a potentiellement des centaines de gens qui pourraient la traduire en japonais. Et il y a des copies en allemand. Et Asuka est capable de les traduire." "Ils ne feront jamais..." Gendo secoua la tête. "S'ils apprennent la vérité, ils deviendront inutiles. Même Rei ne peut pas en savoir plus que le niveau instinctif." Il fit une pause et soupira. "Vous avez raison. Le garçon a besoin d'une meilleure formation et il a besoin... d'avoir confiance en nous. Asuka est probablement une cause perdue, mais si Rei et Shinji nous suivent, elle le fera aussi." Fuyutsuki se leva. "Et maintenant je dois 'y aller'. C'est la réunion du comité des finances. Hmmm.... Qu'est-ce qui est arrivé au violoncelle de Yui?" "J'en ai fait don à un orchestre. Mais c'est une bonne idée. J'ai toujours ses partitions, rangées... quelque part." Il commença à réfléchir. "Je vais m'occuper de ça." "Alors, au revoir", dit Fuyutsuki avant de laisser Gendo seul avec ses pensées. -Fin du chapitre 7- Note des auteurs : Merci à Tae Jensen (ajensen@orion.ac.hmc.edu) pour les images de Rei avec le violon et Gendo avec le livre. |